Eau, Énergie & Transition Verteindustriesrenouvelables

Le Piège du Retard Énergétique : Comment les Défaillances d’Implémentation (NMD) sapent le « Made in Maroc » et alimentent la Colère Socio-économique de la Génération Z

Du potentiel inexploité de la transition verte à la rue : décryptage d'un échec stratégique qui se traduit par une perte de perspective pour les jeunes Marocains.


I. Synthèse Exécutive et Constat de Causalité Structurelle

L’ambition du Maroc est clairement articulée dans le Nouveau Modèle de Développement (NMD) d’avril 2021. En effet, cette vision repose sur deux piliers essentiels. D’une part, elle vise à transformer son économie vers plus de productivité et de diversification. D’autre part, elle cherche à affirmer sa souveraineté dans des domaines stratégiques. Dans cette optique, le NMD identifie l’énergie compétitive et verte comme un pilier fondamental de cette stratégie. De fait, elle est essentielle pour concrétiser le pari d’avenir de faire du Royaume un « Champion régional de l’énergie à bas carbone ». La réalisation de cet objectif économique, symbolisé par le « Made in Maroc » comme marqueur de qualité et de compétitivité, est donc intrinsèquement liée au succès de la transition énergétique au Maroc.

Le postulat central de cette analyse sectorielle est structuré par les principes de la Science de l’Implémentation (IS) et de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR). Il soutient que le retard observé dans la mise en œuvre des réformes structurelles énergétiques est le déterminant majeur de la faible compétitivité économique nationale. Cet écart d’implémentation, ou IS Gap, révèle des « nœuds systémiques » qui entravent le secteur énergétique. Par conséquent, ces blocages se traduisent par des résultats sous-optimaux, ou GAR Shortfall, en termes de coûts et d’accès aux Énergies Renouvelables (ENR).

La causalité principale établie ici est claire. Le maintien des coûts énergétiques industriels à un niveau non optimal entrave directement le « choc de compétitivité » requis par l’Axe 1 du NMD. Cette situation résulte directement du blocage de la libéralisation du marché, un échec notable de la Science de l’Implémentation. De plus, cela compromet la capacité du « Made in Maroc » à se positionner avantageusement sur les chaînes de valeur mondiales. Cette vulnérabilité est particulièrement critique face aux exigences croissantes de décarbonation imposées par l’Union Européenne, notamment via le mécanisme CBAM. Ce rapport procède donc à un diagnostic approfondi des mécanismes institutionnels responsables de ce décalage. Il évalue également l’impact économique mesurable de cette inertie.

SOMMAIRE

II. La transition énergétique au Maroc : Cadre Stratégique NMD et Impératif de Décarbonation

2.1. Le Positionnement Stratégique du Maroc : L’Énergie comme Pari d’Avenir

L’Axe 1 du NMD, qui est axé sur une économie productive et diversifiée, fixe un objectif particulièrement ambitieux. En effet, il vise une croissance annuelle moyenne supérieure à 6 % afin de permettre de doubler le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant d’ici 2035. La cible est ainsi d’atteindre 16 000 dollars en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA). Pour concrétiser cette ambition, le NMD identifie la réduction des coûts des facteurs de production, et notamment celui de l’énergie, comme un « choc de compétitivité » absolument indispensable.

De plus, le pari énergétique marocain est double. Il s’agit non seulement de réduire les coûts pour l’industrie nationale, mais aussi de garantir une faible empreinte carbone pour les exportations. De cette manière, le Maroc assure la durabilité et la qualité du label « Made in Maroc ». L’objectif affiché d’ériger le Maroc en exportateur d’énergie électrique ou d’hydrogène vert vers l’Europe représente un levier de soft power indéniable. Il constitue également un renforcement significatif de la position géostratégique du Royaume.

2.2. Objectifs Quantitatifs et Mesure de l’Écart de Capacité (Gap Analysis)

La Stratégie Nationale de Décarbonation établit des objectifs quantitatifs qui sont à la fois clairs et ambitieux. Elle vise à atteindre 52 % d’Énergies Renouvelables (ENR) dans le mix électrique d’ici 2030, avec un objectif encore plus audacieux de 70 % d’ici 2050.

Au regard de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR), l’évaluation de la performance actuelle révèle un écart significatif. En effet, les données disponibles en décembre 2023 indiquent que la part des ENR dans la capacité électrique installée est de seulement 37 %. Pour atteindre la cible de 52 % d’ici 2030, il devient donc impératif de combler un écart de 15 points de pourcentage en seulement six ans. Ce rythme d’accélération requis dépasse largement la cadence historique d’implémentation. Cela souligne ainsi l’urgence d’une rupture radicale dans la réalisation des réformes (IS).

Le retard dans la mobilisation des ENR constitue un risque économique direct et immédiat. En effet, le maintien de la dépendance structurelle aux énergies fossiles importées annule les bénéfices de toute accalmie conjoncturelle. Par exemple, la baisse de la facture énergétique observée en 2024 (114,04 MMDH, soit un repli de 6.5 % par rapport à 2023) est principalement due à la chute des prix mondiaux. Cet « effet prix » a reculé de 17.2 %, tandis que les quantités importées n’ont diminué que de 7.2 %. Bien que positive, cette diminution est un signal économique temporaire qui tend à masquer l’urgence du déficit d’implémentation structurelle. Ce répit conjoncturel affaiblit paradoxalement la pression politique nécessaire pour surmonter les résistances et accélérer la réforme énergétique interne, ralentissant ainsi la mutation énergétique indispensable.

2.3. La Vulnérabilité du Positionnement Compétitif

L’échec à tenir les objectifs en matière d’ENR compromet sérieusement le positionnement du Maroc. Le pays, actuellement classé 65e mondial dans l’Indice de Transition Énergétique du Forum Économique Mondial (WEF) en 2024, montre des faiblesses persistantes. Celles-ci concernent principalement l’équité, la durabilité et la sécurité de son système énergétique. Par ailleurs, le succès de secteurs industriels clés, tels que l’automobile (avec des exportations atteignant 148 MMDH en 2023) et l’aéronautique, est désormais inextricablement lié à leur empreinte carbone.

Le Maroc investit de manière stratégique pour se positionner dans la chaîne de valeur des batteries électriques. Toutefois, ce positionnement est fragile. En effet, si l’énergie utilisée pour la production n’est pas à la fois compétitive et décarbonée, l’avantage comparatif du « Made in Maroc » perd de sa valeur. Il s’expose alors au risque de taxation carbone européen, connu sous le nom de CBAM. Dans ce scénario, la politique énergétique marocaine se transforme paradoxalement en une potentielle barrière non-tarifaire pour les exportations. Le retard accumulé dans le déploiement des ENR représente ainsi un risque économique futur et quantifiable.

La performance actuelle du secteur par rapport aux objectifs du NMD est synthétisée ci-dessous :

Tableau II.1: Cadre de Référence de la Performance Énergétique (GAR)

Indicateur NMD/SNDValeur Actuelle (Fin 2023/2024)Cible 2030 (NMD)Écart d’Implémentation (Analyse GAR)Impact Stratégique sur le Made in Maroc
Part des ENR dans le mix électrique (Capacité installée)37%52%15 points à combler en 6 ans (Urgence d’accélération de l’IS).Réduction insuffisante du coût du facteur énergie ; vulnérabilité aux taxes carbone UE.
PIB par habitant (dollars PPA)7,826 (2019)16,000Nécessite un taux de croissance moyen >6% (Facteur énergie critique pour la productivité).Limite l’atteinte de la prospérité ciblée par l’absence du « choc de compétitivité ».
Indice de Compétitivité Énergétique (WEF)65e mondial (2024)Champion Régional (Top 30 mondial implicite)Confirme les faiblesses structurelles en équité, durabilité et sécurité du système.Frein majeur à l’attractivité des IDE pour les industries lourdes et vertes.

III. Les défis de la politique énergétique au Maroc : Diagnostic des Goulots d’Étranglement

L’analyse des causes profondes du retard dans la transformation verte au Maroc révèle un constat important. En effet, les blocages ne sont pas d’ordre technique ou financier. Ils découlent directement des « nœuds systémiques » identifiés par le NMD, qui entravent la capacité de l’État à mener la transformation nécessaire.

3.1. Le Nœud de la Cohérence et de la Dualité Institutionnelle

Le NMD identifie explicitement un manque de cohérence entre la vision stratégique et les politiques publiques mises en œuvre. Ce problème est aggravé par des « zones grises » dans la répartition des rôles entre les niveaux stratégique et exécutif.

Dans le secteur énergétique, la réforme structurelle clé est la séparation des fonctions de l’Office National de l’Électricité et de l’Eau Potable (ONEE). Elle passe aussi par la pleine autonomisation du régulateur, l’Agence Nationale de Régulation de l’Électricité (ANRE). L’ANRE est aujourd’hui opérationnelle et a d’ailleurs approuvé la séparation comptable des activités de l’ONEE en février 2025, couvrant la production, le transport et la distribution. Toutefois, l’implémentation effective de cette réforme ANRE ONEE est considérablement ralentie.

L’analyse de la mise en œuvre révèle un point crucial. La séparation comptable n’est qu’une mesure de conformité légale, mais elle n’est malheureusement pas suivie de la transformation opérationnelle pourtant requise. L’ONEE conserve en effet la gestion du Réseau Électrique National de Transport (GRT), en attendant de la confier à une « entité dotée d’une personnalité morale distincte ». Ce délai dans l’indépendance opérationnelle du GRT constitue un point de friction institutionnel majeur. Il résulte d’une « culture de la conformité » au sein de l’administration, une culture critiquée par le NMD, qui :

opère plus par l’ancienneté et la conformité, plutôt que par la performance.

La priorité est donc donnée aux étapes procédurales formelles au détriment de l’étape transformationnelle. Cela maintient le statu quo de l’opérateur historique dans le contrôle de cette infrastructure vitale.

3.2. Le Nœud de l’Économie Verrouillée et des Intérêts Installés

Le deuxième nœud systémique est lié à la persistance d’une économie :

en partie verrouillée, favorisant les intérêts installés et la préservation de rentes.

Cette situation freine considérablement la libéralisation du marché de l’énergie au Maroc. En pratique, l’ouverture du marché aux producteurs privés d’ENR est entravée par des mécanismes réglementaires qui désincitent activement l’investissement.

Les investisseurs privés font face à des obstacles majeurs, notamment en ce qui concerne l’accès et l’injection de l’énergie dans le réseau. La réglementation actuelle prévoit des mécanismes d’écrêtement, c’est-à-dire une réduction ou une interruption temporaire de l’injection d’énergie. Ces interruptions ne sont pas compensées financièrement pour l’exploitant tant que les seuils réglementaires ne sont pas dépassés. Ce risque de non-livraison, connu sous le nom de curtailment risk, est supporté exclusivement par l’investisseur privé. Il agit comme un puissant désincitatif financier à l’investissement massif dans les ENR. En maintenant cette disposition, le système énergétique marocain subventionne indirectement l’inertie. Il protège aussi les centrales historiques, souvent thermiques et fossiles, au détriment de l’objectif stratégique de décarbonation. L’incapacité à garantir ou à compenser la priorité de dispatch des ENR est une barrière de régulation qui démontre un conflit persistant entre l’ambition de devenir un champion vert et les mécanismes d’implémentation qui défendent les intérêts existants.

3.3. Le Nexus Énergie-Eau et la Fragilité de la Résilience

Les retards d’implémentation dans le secteur énergétique ont des répercussions systémiques sur d’autres axes vitaux du NMD. C’est particulièrement le cas pour la gestion de l’eau (Axe 4). Face à un stress hydrique aigu, le NMD préconise la mobilisation des ressources non conventionnelles, avec un accent particulier sur le dessalement de l’eau de mer.

Le dessalement est cependant une activité qui nécessite une quantité d’énergie considérable, pouvant atteindre près de 30 kilowattheures (kWh) par mètre cube d’eau dessalée. Par conséquent, le succès de la politique de souveraineté hydrique dépend directement de la capacité à fournir une énergie verte, abondante et compétitive. Si le secteur des ENR reste institutionnellement bloqué et que les coûts demeurent élevés, le coût de l’eau dessalée pour l’agriculture et l’eau potable augmente inévitablement. Cette situation menace la durabilité et la compétitivité de l’agro-industrie régionale. Le non-déploiement rapide d’ENR dédiées à ces grands projets revient à saboter la propre stratégie nationale de résilience hydrique.

IV. L’impact du retard de la mutation énergétique sur la compétitivité du Maroc

Les lacunes dans la Science de l’Implémentation (IS) des réformes énergétiques se traduisent par des résultats économiques mesurables. Ces derniers sapent directement la compétitivité du « Made in Maroc », créant un déficit de résultats ou GAR Shortfall.

4.1. L’Échec du « Choc de Compétitivité »

Le NMD insiste sur la nécessité de réduire les coûts des facteurs de production pour réaliser un « choc de compétitivité ». Le coût de l’énergie est plus particulièrement ciblé dans cette démarche.

Or, le classement du Maroc au 65e rang mondial dans l’indice du WEF confirme que le pays n’a pas encore réussi à établir un système énergétique qui soit à la fois concurrentiel et durable. L’intensité énergétique au Maroc, mesurée par la consommation d’énergie par unité de PIB, se situe dans la moyenne mondiale. Cependant, elle reste supérieure à celle des pays développés, ce qui indique une inefficacité de la conversion énergétique en richesse.

Le problème est clair : tant que les industriels ne peuvent pas accéder facilement à des contrats d’achat direct d’énergie (PPA) compétitifs avec des producteurs privés d’ENR, ils restent contraints à des coûts non optimaux. Cela concerne y compris les secteurs porteurs comme l’automobile et l’aéronautique. Ce blocage, qui résulte d’un échec d’implémentation, limite directement la marge des exportateurs. De plus, il réduit l’attractivité du pays pour les Investissements Directs Étrangers (IDE), qui recherchent désormais des bases de production à la fois très vertes et très économiques.

4.2. Vulnérabilité et Perte de Différenciation du « Made in Maroc »

L’écart de 15 points à combler pour atteindre l’objectif de 52 % d’ENR d’ici 2030 maintient une forte dépendance aux énergies fossiles. Cette vulnérabilité structurelle, bien que masquée par la baisse conjoncturelle des prix des hydrocarbures en 2024, expose l’économie marocaine à de futurs chocs géopolitiques.

Sur le plan commercial, la non-décarbonation de l’industrie marocaine à un rythme rapide contredit l’ambition du NMD de faire du « Made in Maroc » un marqueur de « durabilité ». Le principal avantage comparatif futur du Maroc, qui repose sur la combinaison de la proximité avec l’UE et de l’énergie verte, est ainsi compromis. Si le Royaume ne peut garantir un taux de décarbonation industriel suffisant, ses exportateurs feront face à des mécanismes tels que le CBAM européen. Cela induira des coûts additionnels et une perte de parts de marché. Le retard de la mutation énergétique se transforme ainsi en un obstacle majeur à l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales, de plus en plus exigeantes en matière environnementale.

4.3. Causalité et Accroissement des Disparités Territoriales

L’Axe 4 du NMD met l’accent sur la nécessité de la régionalisation avancée pour réduire les disparités territoriales. Actuellement, une forte concentration de la richesse (PIB) est observée. En effet, 55.8 % est générée dans seulement trois régions (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma). Parallèlement, 72 % de la population vulnérable réside en milieu rural.

Le retard dans la réforme énergétique et le maintien d’une gouvernance centralisée freinent l’émergence d’une production d’ENR décentralisée (énergie distribuée) et la modernisation des réseaux régionaux. Cela empêche les régions intérieures, qui sont souvent dotées d’un potentiel solaire ou éolien important, d’exploiter cet avantage localement. En conséquence, ces régions ne peuvent pas réduire le coût des facteurs de production locaux, comme l’énergie pour l’agro-industrie ou le dessalement régional. Cette situation maintient la concentration des bénéfices économiques sur l’axe le plus connecté, ce qui aggrave la fracture territoriale et l’inégalité d’accès aux facteurs de production.

L’analyse de causalité entre l’échec de l’Implémentation (IS) des réformes énergétiques et les résultats économiques (GAR) est résumée ci-dessous.

Tableau IV.2: Lien Causal : Retard des Réformes (IS) et Compétitivité du Made in Maroc (GAR)

Facteur ÉconomiqueConséquence du Retard de l’IS (Blocage de la Libéralisation ENR)Impact sur la Compétitivité du « Made in Maroc »
Coût du Facteur ÉnergieCoûts d’électricité non optimisés par l’accès direct aux ENR privés (Rente persistante).Augmentation des coûts d’exploitation industriel, limitant l’attractivité des IDE et les marges d’exportation.
Souveraineté Sanitaire/HydriqueÉnergie non compétitive pour le dessalement, menaçant la résilience hydrique.Augmentation du coût de production de l’eau (facteur essentiel pour l’agro-industrie).
Accès aux Marchés InternationauxFaible empreinte carbone du mix électrique national (37% ENR).Vulnérabilité accrue aux barrières non-tarifaires (CBAM) et perte de l’avantage « durabilité » du Made in Maroc.
Déséquilibres TerritoriauxCentralisation de la production et de la gestion du réseau (GRT non indépendant).Incapacité des régions à utiliser leur potentiel ENR pour créer des écosystèmes industriels locaux, aggravant les disparités régionales.

V. Feuille de Route pour accélérer la transformation verte au Maroc

Pour surmonter l’inertie institutionnelle et transformer l’ambition stratégique en résultats mesurables, il est impératif d’adopter une Gestion Axée sur les Résultats (GAR) rigoureuse. Cette approche doit s’appuyer sur les principes de l’État fort et stratège. Elle doit également se baser sur la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes prônés par le NMD.

5.1. Refonte Accélérée de la Gouvernance Énergétique

Le NMD recommande la réforme des Établissements et Entreprises Publics (EEP). L’objectif principal est de garantir leur performance et d’assurer une séparation claire des fonctions de stratégie, d’opération et de régulation.

5.1.1. Indépendance Totale et Opérationnelle du GRT

Il est crucial de mettre fin à la phase transitoire de séparation comptable de l’ONEE par une action politique forte. Le Gestionnaire du Réseau de Transport (GRT) doit être doté d’une personnalité morale, d’une autonomie financière et d’une indépendance opérationnelle totale vis-à-vis de l’ONEE en tant que producteur. En effet, cette indépendance est la condition sine qua non pour garantir un accès équitable, transparent et non discriminatoire au réseau pour l’ensemble des producteurs privés d’ENR.

5.1.2. Renforcement du Mandat de l’ANRE

L’Agence Nationale de Régulation de l’Électricité (ANRE) doit dépasser son simple rôle de validation procédurale. Elle doit exercer pleinement son mandat de régulateur indépendant. Cela inclut le renforcement de ses pouvoirs d’investigation et de sanction pour arbitrer rapidement les conflits d’accès au réseau. De plus, elle doit définir une politique de compensation des risques d’écrêtement. En sécurisant l’investissement privé contre le risque de non-livraison, l’ANRE deviendra un véritable levier d’accélération de la capacité installée.

5.2. Sécurisation de l’Investissement Privé et Mobilisation des Territoires

Pour concrétiser le choc de compétitivité, les efforts d’implémentation doivent se concentrer sur deux axes principaux. D’une part, il s’agit d’éliminer les barrières administratives. D’autre part, il faut avancer vers la décentralisation de la production énergétique.

5.2.1. Simplification Administrative Ciblée

La simplification administrative doit être appliquée de manière massive. Elle doit cibler spécifiquement les procédures d’octroi de licences de production et de raccordement pour les projets d’ENR. Le NMD appelle à l’élimination des entraves réglementaires et des barrières administratives. Il est donc nécessaire de simplifier la procédure de sorte à privilégier le contrôle a posteriori et à réduire drastiquement les délais d’obtention des autorisations.

5.2.2. Implémentation du Pari Régional ENR

La régionalisation est essentielle pour exploiter le potentiel ENR local. Les Régions, à travers leurs Agences Régionales d’Exécution des Projets (AREP) ou les Autorités Régionales de Développement (ARD), doivent être mandatées. Leur mission sera d’identifier et de développer des zones dédiées à la production d’ENR à l’échelle des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et de l’agro-industrie, en parfaite cohérence avec l’Axe 4 du NMD. La performance de la décarbonation devra être mesurée non seulement à l’échelle nationale, mais aussi par le pourcentage de PME régionales ayant un accès effectif et compétitif à des PPA verts locaux.

5.3. Levier Financier et Soutenabilité

La stratégie de financement du NMD requiert des ressources additionnelles. Celles-ci sont estimées à 4 % du PIB annuellement durant la phase d’amorçage. L’investissement dans la transition énergétique au Maroc doit donc être considéré comme un investissement stratégique de long terme.

L’activation des instruments financiers doit avoir un effet de levier puissant sur l’investissement privé. Le Fonds Mohammed VI doit être utilisé pour garantir les risques des grands projets ENR privés. Il doit aussi financer la modernisation du réseau de transport et de distribution, une étape indispensable pour accueillir la nouvelle capacité ENR.

De plus, la question de la soutenabilité financière des ressources hydriques doit être traitée frontalement. Le NMD préconise la mise en place d’une tarification de l’eau qui reflète sa valeur réelle. Cette tarification doit intégrer le coût de sa mobilisation, y compris l’énergie nécessaire au dessalement. La transparence sur les coûts, rendue possible par la réforme de l’ONEE et le découplage financier Eau-Énergie, est la première incitation à la rationalisation des usages et à l’investissement ENR dans le secteur hydrique.

5.4. Conclusion : Le Pacte pour une Souveraineté Énergétique et Industrielle

Le constat final est sans appel. Le retard actuel dans la mise en œuvre de la stratégie énergétique marocaine constitue un manquement critique aux objectifs de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR). Ce retard est directement imputable aux lacunes dans la Science de l’Implémentation (IS). En particulier, il est causé par la résistance institutionnelle et le maintien des logiques de rente.

Pour réaliser le pari du « Made in Maroc » et atteindre les objectifs ambitieux de 52 % d’ENR d’ici 2030, une rupture est impérative. Le succès de la trajectoire de développement du pays dépend de la capacité de l’État à utiliser le « Pacte National pour le Développement » comme un engagement politique irréversible. Cet engagement doit forcer l’indépendance réglementaire, l’ouverture totale du marché de l’énergie, et l’intégration effective de la performance dans la gestion publique. Il s’agit de remplacer la « culture de la conformité » par une culture de la performance et de la prise de risque mesurée. En fin de compte, la souveraineté économique et la compétitivité future du Maroc sont suspendues à la rapidité et à la profondeur de cette mutation énergétique.

## Références

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– <https://www.finances.gov.ma/fr/Pages/publications.aspx> (Source sur la **réforme des EEP** et la séparation des fonctions stratégie/opération).

Auteurs/autrices

  • Le Dr. Merzak, Président Fondateur de l'« Institut Territorium » à Ottawa-Ontario, est un leader visionnaire et un stratège reconnu en matière d'innovation, de transfert technologique et de recherche pour le développement (R4D). Fort de son expérience de chercheur scientifique, le Dr. Merzak se dédie à la co-création de systèmes d'innovation sociotechnique territoriaux, essentielles pour l'autonomisation des communautés et l'atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) ainsi que des cibles de neutralité carbone de l'Accord de Paris.

    Son approche, profondément enracinée dans le pragmatisme et la prospective, l'a conduit à pionnier des plateformes en ligne qui favorisent l'apprentissage social et la co-création de feuilles de route durables à travers la planification de scénarios communautaires. Parmi ses créations phares figurent geoscenarios.world, une plateforme dédiée à démystifier les événements mondiaux et explorer les scénarios futurs ; gotit.network (Global Open Territorial Innovation & Technology), visant à mobiliser l'intelligence collective pour la co-création de connaissances ODD ; et sustainopia.world, qui valorise l'influence de l'action individuelle et citoyenne dans la construction d'un avenir durable. Le Dr. Merzak défend avec ferveur l'idée que l'intelligence collective, la connaissance tacite et la pensée systémique sont les leviers indispensables pour co-concevoir des avenirs plus prometteurs, du local au national, avec une attention particulière aux défis et opportunités du Maroc.

    Son engagement se manifeste également par des réalisations majeures : il a catalysé des partenariats internationaux, fondé le Forum International de l'e-Gouvernement à Dubaï et le Forum International des Collectivités Locales au Maroc, et promu des projets numériques et durables à l'échelle mondiale. Avec une expérience managériale au sein d'une firme de biotechnologie française et des rôles de conseil dans ce domaine, le Dr. Merzak a également orchestré des événements B2B d'envergure mondiale dans des secteurs variés. Sur le plan académique, il a servi des institutions prestigieuses comme l'Université Paris-Saclay et le King's College London. Récipiendaire de nombreuses distinctions, le Dr. Merzak a largement contribué à la littérature scientifique et est titulaire d'un Doctorat en biologie moléculaire et cellulaire du cancer de l'Université Paris-Diderot, en plus d'autres titres universitaires significatifs.

    Le Dr Merzak a contribué à la conception de MASA (Maroc Scenarios Strategic Analyst), un agent d'intelligence artificielle analytique dédiée à l’étude des dynamiques du développement marocain. Il soutient la plateforme marocscenarios.world dans son effort de recherche et de diffusion des connaissances, en lien avec le Nouveau Modèle de Développement (NMD) et le cadre des Cinq Capitaux Stratégiques.

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  • Mohammed Benahmed : Ingénierie, stratégie et vision pour le Maroc de demain, en alignement avec le Nouveau Modèle de Développement

    Mohammed Benahmed s'illustre comme un expert émérite incarnant l'alliance de l'ingénierie rigoureuse, du management visionnaire et de la finance stratégique, avec un parcours témoignant d'une quête constante d'excellence au service de l’émergence du Maroc. Son expertise s'est forgée sur le terrain dans des chantiers d'infrastructures hydrauliques et maritimes d'envergure, essentiels au Capital Productif et Technologique du pays. Au Fonds d'Équipement Communal (FEC), la banque marocaine du développement local, il a piloté le financement et l'assistance technique des communes et des régions, consolidant une connaissance intime des défis de développement territorial durable et contribuant directement à la réalisation des ambitions du Nouveau Modèle de Développement (NMD) en matière d'équité territoriale et de Capital Social et Institutionnel.

    Salué pour son expertise en recherche et innovation, son parcours a été couronné par le prestigieux Prix de l'Économiste en économie, gestion et droit (1e édition en 2005), soulignant son excellence dans ces domaines. Cette distinction atteste de sa capacité à décrypter les enjeux socio-économiques avec une rigueur scientifique et une vision systémique, qualités qu'il met aujourd'hui au service des stratégies et des politiques publiques. Visionnaire, Mohammed Benahmed déploie son expertise comme dirigeant d’un cabinet de conseil de premier plan (CBN Développement), spécialisé dans l'accompagnement stratégique des organisations gouvernementales et privées. Il impulse également des dynamiques d'innovation en tant que co-fondateur-président de l'Alliance Maroc Innovation et Émergence, avec la conviction que le progrès se construit par une vision éclairée et une action déterminée, s'inscrivant pleinement dans le renforcement du Capital Humain et du Capital Productif & Technologique du Maroc, tel que prôné par le NMD. 

    Son engagement pour un Maroc souverain se traduit par une volonté d'éclairer les décisions stratégiques, d'identifier les leviers d'une croissance inclusive et de promouvoir une gouvernance transparente au service du bien commun. Ces objectifs sont au cœur des orientations du Nouveau Modèle de Développement, visant à consolider la souveraineté nationale et à assurer un développement pérenne pour le Maroc. M. Mohammed Benahmed est diplômé de l’École Mohammadia d’Ingénieurs de Rabat en génie civil/hydraulique. Il détient également un diplôme de 3ème Cycle en management des organisations de l’Institut Supérieur de Commerce et d'Administration des Entreprises de Casablanca (ISCAE) et une maîtrise en ingénierie mathématique de l'Université de Metz, France.

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